DOSSIER : les comptes de Biltoki questionnent la solidité du futur délégataire de la halle gourmande des Haras. |

La majorité municipale a choisi de confier l'exploitation de la future halle gourmande d’Annecy, dont l’ouverture est prévue (en théorie électorale) en février 2026, à la société Biltoki, via une délégation de service public (DSP). Au-delà des difficultés opérationnelles rencontrées pour la commercialisation des emplacements, l'analyse des derniers comptes annuels 2024 de l’opérateur révèlent une situation économique qui interroge clairement sur la capacité de l’entreprise à assumer sereinement ce nouveau site, ainsi que sur les risques de retombées pour la ville d'Annecy.
Selon les comptes consolidés clos au 31 décembre 2024 (source Pappers), Biltoki affiche une perte nette de 751K euros, comme sur les deux années précédentes. Malgré une progression du chiffre d’affaires de 140% en 2024, l'EBITDA (le résultat, ou la perte dans le cas présent, réellement créé par l'activité opérationnelle) est lui aussi dans le rouge. Plusieurs filiales connaissent des pertes importantes en 2024 : Rouen (269 K€) ou Villeneuve-d’Ascq (253 K€).

Ces difficultés ne sont pas que comptables : certaines halles Biltoki ont connu des fermetures ou des tensions majeures. À Saint-Étienne, la halle Mazerat (perte de 703 KEUR en 2024) a fermé le 31 mars 2025, entraînant l’éviction brutale de commerçants et la cessation totale d’exploitation.
La position de trésorerie baisse continuellement depuis trois ans, tandis que les dettes financières de la société sont bien trop importantes par rapport à sa capacité de remboursement future.
L’entreprise a d'ailleurs dû passer plus de 1,6 million d’euros de dépréciations sur ses titres et comptes courants. Elle a également obtenu un moratoire sur ses dettes fiscales et sociales, accordé en janvier 2025 pour un étalement de paiement sur 18 mois.

Ces exemples illustrent les risques opérationnels associés à la gestion d’une halle gourmande lorsque le modèle économique n’atteint pas l’équilibre attendu.
L'opérateur Biltoki affirme bénéficier d’un soutien financier de son actionnaire majoritaire et d’un plan stratégique de redressement, la situation actuelle du groupe, mais les pertes enregistrées dans plusieurs halles interrogent clairement sur sa capacité à absorber seul d’éventuelles difficultés sur le site annécien.
Hors dans le cadre d’une DSP, la collectivité délégante reste exposée à un risque de devoir compenser, directement ou indirectement, d’éventuels déséquilibres économiques. Les derniers comptes de Biltoki indiquent d’ailleurs "qu’un investisseur local est encore recherché pour sécuriser le montage financier de la halle d’Annecy".
Dans ces conditions financières, qui prendra réellement le risque de s'associer à Biltoki ?
Cette situation n'est pas sans rappeler les difficultés sur une précédente DSP : celle du marché de Noël avec la société 24 heures d'avance, à la solvabilité discutable et dont l’organisation avait dû être revue après des critiques sur le montage initial fait par la majorité municipale. De quoi jeter le doute sur la solidité des procédures et sur la capacité de la municipalité à anticiper les risques contractuels.
À l’approche des élections municipales de 2026, la gestion de la halle gourmande se retrouvera sous la responsabilité de la prochaine équipe municipale. En cas de déséquilibre financier du site, c’est cette nouvelle majorité qui pourrait être amenée à gérer les conséquences contractuelles et budgétaires, d'un projet majeur mais encore incertain dans son modèle économique.
Nous suivrons de près les comptes 2025 de Biltoki pour apprécier les risques associés au projet, en espérant vraiment éviter un "fiasco" pour cette halle gourmande.